Un aller simple pour traverser les frontières – élastiques, cassées, nouilles difformes et poisseuses… Un poème de Alexandra Fixmer, poète frontalière, qui sera parmi nous pour une rencontre poétique maltaise-luxembourgeoise, dimanche 16 mars à 15h30 lors du Festival des Migrations de Luxembourg.
je n’ai pas oblitéré mon ticket voyage dans la matrice du silence même le contrôleur ne pourra plus rien dire raide lui aussi comme moi raide comment faire pour ne pas mourir de raidissure incapacité au mouvement aller simple pour traverser les frontières élastiques cassés nouilles difformes & poisseuses qui oublient de dire que la terre est un ciel en israël on n’a pas entendu
ce que voulait dire l’autre dans une langue qu’on ne comprenait pas c’était du polonais je ne parle pas le polonais je ne comprends pas le polonais sauf dobrze & encore lui à me poser des questions en polonais & moi de hausser les épaules en fin de compte le soleil a plongé dans la mer rouge entre aqqaba & le sinaï & le polonais avait le regard triste comme s’il avait peur que le lendemain il n’y aurait plus de soleil qu’eilat ne serait plus eilat & que lui il serait de nouveau en pologne en train d’acheter des carpes loin le tahinè tout aussi loin le henné des marchands ambulants qui tatouent pour deux
sous lui le polonais moïse du troisième millénaire il passe les frontières sous-marines en nageant sur la mer les doigts des nouveaux dieux tracent ces lignes imaginaires qui ne retiennent que la peur raide
Alexandra Fixmer est auteure de deux recueils de poésie – Nid-de-poule (Éditions Phi) et vers blanc (City Lights – Bookleg), ainsi que du roman La reine du Lampertsbierg (Ultimomondo).